
05 Avr La conscience
…et si la science nous aidait à comprendre la conscience ?
En tant que médecin anesthésiste-réanimateur, j’accompagne chaque jour des patients aux portes de la conscience. Dans mon travail quotidien, j’induis le sommeil artificiel en salle d’opération, je veille sur des comas en réanimation, j’utilise l’hypnose conversationnel pour soulager des douleurs aiguë/chronique .
Chaque fois, je m’émerveille et je m’interroge : qu’advient-il de ce « je » intérieur – de ce soi profond – quand la conscience vacille ou s’éteint provisoirement ? La conscience humaine est un mystère, à la croisée du biologique et du spirituel.
La science progresse justement pour éclairer ce mystère. Par exemple, en 2023 une équipe du MIT a montré comment un anesthésique courant, le propofol, « déconnecte » le cerveau sous anesthésie générale . Leurs travaux sur l’animal ont révélé que les signaux auditifs ou tactiles continuent d’atteindre le cortex sous propofol, mais ne se propagent plus aux autres régions : le cerveau ne “se met plus sur la même longueur d’onde” . Il semble que la conscience nécessite justement cette communication synchronisée entre les différentes aires corticales – activer une zone isolée ne suffit pas . Dirigée par le Pr. Emery Brown (anesthésiste et neuroscientifique), cette étude éclaire d’un jour nouveau la façon dont nous plongeons dans l’inconscience artificielle. Elle ouvre même la voie à un meilleur monitorage de l’anesthésie, afin d’éviter le rare mais redouté phénomène du réveil en pleine chirurgie.
La conscience réserve d’autres surprises. Même lorsque tout signe extérieur de vie mentale a disparu, il peut subsister une étincelle intérieure. En 2024, une étude marquante publiée dans le New England Journal of Medicine a révélé qu’environ 25 % des patients apparemment plongés dans un coma profond pouvaient en réalité suivre mentalement des instructions simples, à l’insu de leur entourage . À l’aide de l’IRM fonctionnelle et de l’EEG, les chercheurs ont détecté chez ces patients une « conscience cachée » – un état cognitif intact malgré l’absence de mouvements volontaires.
Cette découverte soulève des questions éthiques et cliniques vertigineuses. Par exemple : comment communiquer avec ces consciences enfermées ? Et combien de malades jugés inconscients le sont-ils vraiment ?
https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2400645